Fil rouge de l’édition 2015 du Salon de l’agriculture qui ouvre ses
portes samedi 21 février à Paris, l’adaptation des systèmes agricoles au
changement climatique est un défi d’autant plus pressant que les
impacts du réchauffement de la planète mettent à mal les efforts
déployés dans la lutte contre la faim.
Jusqu’alors grande oubliée des
négociations sur le climat, la sécurité alimentaire est sortie de
l’ombre lors la première session préparatoire à la Conférence mondiale
sur le climat qui se tiendra en décembre à Paris (COP 21). Le texte de
86 pages issu de la semaine de discussions achevée à Genève (Suisse) le
13 février – il servira de base aux négociations climatiques destinées à
contenir le réchauffement à 2 °C – reconnaît la nécessité d’« assurer
la résilience des populations les plus vulnérables, les moyens de
subsistance et la sécurité alimentaire dans les pays en développement ». Le sujet a même été inscrit dans le préambule du texte.
Tout en se félicitant de cette avancée, les organisations non gouvernementales (ONG) savent qu’il va falloir « se battre »
d’ici à décembre pour que cette question demeure dans l’accord final
qui sera signé à Paris. La tentation sera grande, en effet, de la
retirer pour les pays du Nord, beaucoup considérant que la sécurité
alimentaire relève du développement et de la lutte contre la pauvreté.
Pour bien des pays du Sud, elle est pourtant indissociable de la
problématique du dérèglement climatique.
Selon l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il faudra
accroître de 70 % la production alimentaire dans les trente-cinq
prochaines années afin de nourrir les neuf milliards d’humains que
comptera la planète en 2050, contre sept milliards aujourd’hui. Or, le
réchauffement climatique fait peser de fortes incertitudes sur
l’agriculture et, par là même, sur les moyens de subsistance des
populations les plus vulnérables. « En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, l’agriculture est le moyen de subsistance de 80 % de la population », rappelle Ali Abdou Bonguéré, coordinateur national du réseau Climat et développement au Niger.
Aujourd’hui,
805 millions de personnes sont encore en proie à la faim dans le monde.
Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD),
d’ici à 2080, ce sont 600 millions de personnes supplémentaires qui
pourraient souffrir d’insécurité alimentaire sous l’effet du changement
climatique.
Le cinquième rapport du Groupe intergouvernemental
d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), rendu public en
novembre 2014, a souligné que les dérèglements climatiques auront des
impacts sur tous les aspects de la sécurité alimentaire. A commencer par
la quantité d’aliments produite : sans réel effort d’adaptation, les
rendements des grandes cultures (blé, riz, maïs…) pourraient diminuer de
2 % par décennie. Or, ces baisses de la productivité, qui commencent à
être perceptibles y compris dans les régions tempérées, seront plus
sévères dans les zones tropicales, les plus exposées au changement
climatique et déjà affectées par l’insécurité alimentaire.
« L’impact est réel et il est déjà là ! », alerte Ali Abdou Bonguéré. « En 2014 au Niger, nous
avons eu, le 24 avril, une première pluie, très intense. Les
producteurs ont alors semé leurs cultures. Mais nous avons dû attendre
six semaines avant d’en avoir une nouvelle, qui s’est avérée tout aussi
forte, raconte-t-il. Ces dérèglements climatiques mettent non
seulement en péril les cultures en cours mais hypothèquent aussi les
futures. Plus espacées et plus intenses, les pluies entraînent en effet
des inondations des champs qui aggravent l’érosion et la dégradation des
sols fertiles. »
Cette baisse prévue des rendements de
certaines denrées de première nécessité, à laquelle s’ajouteront les
pertes de cultures causées par des événements météorologiques extrêmes
plus fréquents et plus intenses, fait peser un risque de hausse et de
volatilité croissante des prix alimentaires. Une étude de l’ONG Oxfam,
publiée fin 2012, soulignait que le prix moyen des denrées de base
(maïs, blé, riz) pourrait plus que doubler au cours des vingt prochaines
années par rapport aux prix observés en 2010 ; entre un tiers et la
moitié de cette augmentation serait causée par le changement climatique.
« La sécurité alimentaire n’est pas uniquement une question de
niveau de production agricole, c’est d’abord une question de répartition
et d’accès à la nourriture », insiste Peggy Pascal, chargée du plaidoyer à Action contre la faim.
Au
final, la hausse et la volatilité des prix rendront encore plus
difficile l’accès des populations les plus pauvres à la nourriture. Et
pourraient finir par créer des tensions. La flambée des prix des
céréales fut ainsi la cause première des émeutes de la faim qui, de
Dakar à Mexico, en passant par Le Caire, s’étaient déclenchées comme une
traînée de poudre en 2008.
Pour lire en plus: lactualite24
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